Qu’est-ce qu’une vie queer ? Nous n’y sommes pas encore, disait José Esteban Muñoz, nous n’y serons peut-être jamais ; c’est un idéal, une utopie. Parce que c’est un futur à construire, les artistes et celles et ceux qui les accompagnent ont une place essentielle pour l’imaginer, et le donner à sentir.
L’édition parisienne de l’Editathon Art+Feminisms conçue par Flora Katz, aux côtés de Wu Tsang et de toute une équipe, a invité le public à contribuer à travers deux journées de rencontres et d’écriture les 4 et 5 mars 2017. En synchronie avec plus de 150 lieux dans le monde, il a été proposé d’investir la plateforme Wikipédia d’arts et de féminismes, avec un point de mire sur les formes artistiques de la désidentification : humour, ironie, méconnaissance, parodie, mélancolie, camp etc. Ces tactiques sont racontées dans le livre de José Esteban Muñoz Disidentifications: Queers Of Color And The Performance Of Politics (1999) mais aussi par les artistes, curateurs, critiques d’art qui se joindront à nous pour l’occasion.
La désidentification est le premier nom que le théoricien de l’art José Esteban Muñoz a donné à ces procédés par lesquels un groupe minorisé, à travers sa pratique artistique, se distancie des stéréotypes qui lui sont associés et marque son refus de se conformer aux cadres dominants.
Selon Muñoz, la désidentification est une stratégie artistique de survie et d’émancipation des personnes précarisées, mais aussi une forme de critique de leurs conditions de vie dans la société. C’est une construction de l’identité dans des formes hybrides, mouvantes, mélancoliques ou comiques et parfois cachées qui sont un jeu de reflet avec une vie migrante et queer.
Les sujets de cette édition 2017 :
Créer : Boychild, Rébecca Chaillon, Désidentification, Lasseindra, Paul Maheke, Kiddy Smile, Carmelita Tropicana, Ela Troyano, Elvan Zabunyan
Traduire : José Esteban Muñoz, Paris is Burning, Vaginal Davis, Wu Tsang,
Améliorer : Jean-Michel Basquiat, Mykki Bianco, Felix Gonzalez-Torres, Ana Mendieta, Toni Morrison
Connecter : désidentification, voguing, intersectionnalité
LA DESIDENTIFICATION
José Esteban Muñoz
José Esteban Muñoz (1967-2013) était un théoricien de l’esthétique et de la politique queer. Son premier livre, Disidentification: Queer of colors and the Performance of Politics (1999) examine la performance, l’activisme et le combat des queers de couleur à travers les arts. À partir de descriptions de pratiques artistiques très différentes (le minimaliste Félix Gonzalez-Torres, la performeuse Vaginal Davis, la comique Marga Gomez, le peintre Jean- Michel Basquiat, ou encore le réalisateur Marlon Riggs), Muñoz forge le concept de désidentification.
Le public sera invité à créer ou augmenter des fiches Wikipedia autour de ce sujet et des artistes que Muñoz prend comme exemples et cas d’étude. Des interventions d’artistes, de philosophes et d’intellectuels (Vaginal Cream Davis, Hypatia Vourloumis, Elvan Zabunyan) complèteront ce programme en présentant la pensée de Muñoz.
Wu Tsang
Très proche de la pensée de José Esteban Muñoz et de celle d’un de ses disciples, Fred Moten, l’artiste Wu Tsang propose pour l’Editathon 2017 une oeuvre nouvelle qui entre en résonance avec la thématique de la désidentification.
Le travail de Wu Tsang aborde irrémédiablement des questions de genre et plus largement de société. Quel que soit le mode d’expression qu’elle choisisse (cinéma, photographie, party ou performance), un thème revient comme un leitmotiv : l’esthétique drag queen et le jeu avec les genres. Souvent avec son propre corps. Wu Tsang cherche à sublimer les représentations traditionnelles du désir, la proximité avec l’autre. Selon elle, « être queer rend sûrement plus courageux ».
Wu Tsang s’est fait connaître en 2012 grâce à son film WILDNESS, qui fut présenté pour la première fois au MoMA’s Documentary Fortnight. WILDNESS présente un portrait du Silver Platter, un bar historique situé sur le côté est de Los Angeles, qui a accueilli les communautés d'immigrants latinos / LGBT depuis 1963. Le film interroge la représentation et le partage d’un « espace sûr » (safe space) et d’un « espace libre » (free space), deux dimensions majeures de l’émancipation féministe. Wu Tsang a notamment exposé au MoMA, à la Tate, au Whitney. En France, elle a réalisé une installation pour la FIAC 2016, en partenariat avec Swarovski, une installation monumentale qui fait écho à une scène du Magicien d’Oz.
Samedi 4 mars
14h00 : Visite de l’exposition Présumées coupables avec Pierre Fournié, conservateur général du patrimoine
15h30 : Discussion performative entre Wu Tsang, artiste et Vaginal Davis, performeuse
17h30 : Intervention d’Elvan Zabunyan, critique et historienne de l’art
19h00 : Performance de Boychild et Bendik Giske
20h00 : Drink
Dimanche 5 mars
15h30 : Intervention de Kvardek du, wikipedien-ne
17h30 : Intervention d’Hypatia Vourloumis, spécialiste des Performance Studies
19h00 : Drink
21h30 : Soirée à La Colonie avec Polychrome, DJ Queen Ci et DJ Vikken
Animé par Flora Katz
Produit par Lafayette Anticipations – Fondation d'entreprise Galeries Lafayette dans le cadre de la campagne mondiale Art+Feminisms.
En partenariat avec Wikimédia France, les Archives nationales et Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3.
Orchestration : Kvardek du et Flora Katz, avec les productions de Wu Tsang.