Visite

Innervision Ep.04
Rideau !

Notre équipe de médiation vous invite à tendre l'oreille dans l'exposition "visionary company" de Wu Tsang grâce à "Innervision", notre nouvelle série de podcast de visite sonore en cinq épisodes.

Nous voici au dernier étage de la Fondation, guidé par un rythme entêtant, provenant d’une pièce sombre succédant à un grand balcon qui domine l’étage inférieur. Nous faisons face à la vidéo, “Sudden Rise” projetée sur un épais rideau noir où les images et les sons s’entrechoquent à un rythme effréné.

Une série de podcasts conçue par Alexandre Brault, Maxime Decourd et Arthur Menard-Salis.

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Transcript

Bonjour et bienvenue dans “Innervision”, le podcast de visites sonores de Lafayette Anticipations conçu par l’équipe de médiation. Laissez-vous entraîner dans ce voyage sonore au plus proche de la création contemporaine. Saison 1 : l’exposition visionary company de Wu Tsang.

Nous nous sommes engagés dans les escaliers principaux du deuxième étage. Il devient évident que ces espaces intermédiaires, éclairés par des néons oranges, sont pris dans une scénographie d’ensemble. Nous voici au dernier niveau de la fondation, relativement étroit. Les rythmes que nous percevions en entrant dans la deuxième salle se font plus présents : nous devinons que nous approchons une autre œuvre audiovisuelle. À notre droite se découpe un balcon. 

Un nouveau point de vue nous est proposé sur le deuxième étage. Cette vue plongeante sur les vitraux de Sustained Glass nous permet de les envisager sous un angle plus large. 

La question du regard et de ses enjeux est ici jouée de façon performative. Si les mots de Sustained Glass resteront figés dans le verre, nous nous sommes au contraire déplacés. Par extension, nous avons l'intuition que dans cette exposition se déploie une ode au mouvement, à l'abandon des points fixes, coercitifs, autour desquels se construisent les paroles et les identités. 

Laissons-nous guider vers le rythme entêtant, provenant d’une pièce sombre qui succède au balcon. Nous avons la sensation d’avoir pénétré une boîte noire, également lieu de passage, où nous sommes invités à faire halte sur un banc face à une vidéo d’un peu plus de trois minutes, intitulée Sudden Rise. Alors que des images s’accumulent en synchronie avec la note frappée de la bande son, telle une litanie, nous nous interrogeons sur le dispositif de la projection. La vidéo est en effet montrée sur un épais rideau de scène noir. Les passages parlés, en Anglais, sont surtitrés en Français par un petit écran fixé en haut de ce rideau, à l’image des pièces de théâtre et opéras en langue étrangère. Les images en mouvement viennent donc se mêler aux outils du spectacle vivant, figés dans cette salle étroite. 

Dessins académiques, illustrations scientifiques, images d'archives, photographies : les vues s’enchaînent et se posent comme une archéologie du regard occidental. À celles-ci se mêlent des figures dissimulées ou mises à l’écart d’une histoire de l’art consensuelle. Nous croisons au passage la figure d’Harriet Tubman, militante anti-esclavagiste, qui devait d’ailleurs figurer sur les billets de 20 dollars, avant que la décision ne soit suspendue par l’ex président américain Donald Trump. 

Cet enchaînement laisse place à un plan large, dans lequel la voix de Wu Tsang remplace les notes répétées auparavant. 

Nous découvrons un espace vert à première vue banal dans une ambiance crépusculaire. La qualité de l’image et du son se démarquent par leur caractère brut.  La caméra entame un balayage circulaire tandis que des corps apparaissent dans le cadre et tombent à la renverse, comme fusillés par notre regard. « Peut-être que le problème est de regarder, ce qui revient à dire, d’écouter ». 

Si l’exposition avait l’air de commencer par sa fin avec The show is over, nous nous attendrions à présent à voir le rideau s’ouvrir pour que débute la pièce. Pourtant il restera clos. Nous repensons à la conversation entre Dhanveer Brar et Edward George, aux baleines et aux échos de The show is over, qui circulent entre les étages. Peut-être pouvons nous y voir des pistes pour un rapport au monde transcendé par le son, pour un régime du regard affranchi du point de vue unique - par les yeux, par la caméra, par le langage.

Nous nous dirigeons maintenant vers la sortie et nous nous engageons dans les escaliers de service sur trois étages jusqu’à la cour intérieure de la Fondation, à l’air libre.