Innervision Ep.02
Poing lumineux
Nous venons d’emprunter les escaliers de services baignés dans une lumière ambrée lorsque les voix des médiateurs se mêlent aux échos d’une bande son au loin. C’est ici, face à l’oeuvre “Safe Space” - réminiscence d’un lieu fondateur dans la pratique de Wu Tsang - que tous les sons de l’exposition se rencontrent et se mélangent.
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Transcript
Bonjour et bienvenue dans Innervision, le podcast de visites sonores de Lafayette Anticipations conçu par l’équipe de médiation. Laissez-vous entraîner dans ce voyage sonore au plus proche de la création contemporaine. Saison 1 : l’exposition visionary company de Wu Tsang.
Nous sommes montés au deuxième étage de la fondation par l’escalier baigné d’une lueur orangée. La moquette grise a fait place au lino sombre typique des studios de danse. Nous sommes accueilli·e·s par la lumière bleue d’un néon à l’intérieur d’une boîte. Sur la gauche, s’ouvre un vaste espace de déambulation qui reçoit la seule source de lumière apparemment naturelle depuis le plafond. Cette seconde salle nous apparaît nettement plus aérée que la première. Il semble que nous arrivions au milieu d’une conversation émise par une projection vidéo de l’autre côté de la salle.
Une rumeur nous accompagne depuis le premier étage via les grilles d’aération au sol. Nous reconnaissons la bande son de The show is over, qui nous parvient du dessous.
Une autre bande son, très rythmée, se fait entendre discrètement d’encore ailleurs, au-delà des murs de l’étage, probablement du dessus. Tous les sons de l’exposition se rencontrent et se mélangent. Nous revenons à l’examen du néon bleu qui avait d’abord attrapé notre regard.
L’œuvre, d’environ 1m50 de haut pour 2m de côté, se présente sous la forme d’une caisse de transport en bois. Vitrée sur le devant, elle renferme une enseigne lumineuse dont le message “The Fist is still up” se reflète à l’infini dans des vitres sans tain. Dans l’obscurité de la pièce, elle nous rappelle des paysages de la pop culture nord-américaine, plus précisément du monde de la nuit. Par l’évocation de ce poing, toujours encore levé, l’installation nous ramène au milieu activiste, en nous indiquant au passage, que cette lutte n’est pas encore terminée. Ce signe s’affirme comme la réminiscence d’un lieu cofondé par Wu Tsang dédié à l’art et à l’activisme, particulièrement l’aide médicale et administrative à destination de personnes queers migrantes dans les années 2000 à Los Angeles. C’est donc une pièce tirée de la marge, de la résistance et de l’entraide communautaire qui vient s’intégrer à l’espace muséal.
Le titre de l’œuvre contient en lui-même cette référence double dans toute son ambiguïté Safe Space. “Safe” en anglais peut désigner un coffre-fort, “safe space” également employé en français, fait référence à un lieu créé par et pour des communautés marginalisées afin de se retrouver, échanger et s’organiser entre elles. Nous comprenons alors toute la tension de cette œuvre entre registre communautaire et institutionnel où le lieu, habituellement protégé du regard dominant se retrouve à la vue du public, à la fois protégé et emprisonné par cette boîte.
Nous poursuivons vers le grand espace central sur notre gauche. Nous croyons reconnaître la voix de James Baldwin qui s’élève au milieu de notes de saxophone.