Innervision Ep.01
Un escalier qui ne mène nulle part ?
Nous sommes à présent au premier étage de la Fondation, dans un petit espace qui précède un couloir en courbe... des corps nous frôlent, le chant d’un merle résonne dans la pénombre, les notes d’un saxophone s’intensifient : notre équipe de médiation vous transporte dans "The Show is Over,", l’installation centrale de l'exposition.
Une série de podcasts conçue par Alexandre Brault, Maxime Decourd et Arthur Menard-Salis.
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Transcript
Bonjour et bienvenue dans Innervision, le podcast de visites sonores de Lafayette Anticipations conçu par l’équipe de médiation. Laissez-vous entraîner dans ce voyage sonore au plus proche de la création contemporaine. Saison 1 : l’exposition visionary company de Wu Tsang.
Nous nous situons au premier étage de la fondation dans le petit espace qui précède un couloir en courbe. Nous pouvons déjà observer que la pièce est plongée dans le noir. Depuis cette atmosphère feutrée aux murs et à la moquette grise, nous percevons au loin, le chant d’un merle.
Nous longeons le mur courbe, le chant s’amplifie, au bout de ce couloir nous apercevons, éclairée par la droite, une sculpture sur un socle relativement élevé. Ses contours forment un triangle équilatéral, un triangle parfait. Sur notre passage, nous découvrons une enfilade de larges piliers derrière lesquels se jouent une grande vidéo panoramique projetée elle aussi sur une surface courbe.
Nous resterions idéalement une trentaine de minutes pour voir l’ensemble de cette œuvre aux séquences contrastées.
C’est sur ces quelques mots du poème éponyme de Fred Moten structurant toute l’œuvre, que s’ouvre le film The show is over,. Nous sommes maintenant face à la projection, de plain-pied dans cet espace de sons et d’images environné par un bruit de foule anonyme, bruissante, mouvante. Le son circule d’un côté à l’autre, une communauté sonore nous presse et nous pousse. Des corps passent tout près, nous frôlent et vont se rejoindre au milieu de la scène de théâtre qui sert de décor principal au film. Une lutte dansée et récitée s’engage dont nous ne comprenons pas tous les enjeux : oppresseurs et oppressé·e·s s’y confondent, certains danseurs, danseuses sont saisi·e·s, trainé·e·s par d’autres, paraissent y consentir. Le son s’amplifie, des violoncelles attaquent un crescendo, l’image se découpe en rythmes et syncopes. Les séquences s'organisent autour du pic d’intensité que nous venons de passer. Langage politique et poétique s’entremêlent pour nous faire parcourir tout un paysage émotionnel tour à tour sombre, violent, vaguement inquiétant.
Certains passages s’imposent, dans l‘un d’eux une femme accroupit tente de contenir un tas de pommes entre ses bras qui sans cesse lui échappent. Dans un autre elle est debout seule encore, au milieu d’une large étendue boueuse, plongée dans l’obscurité, des sons la menacent. Plus loin, l’atmosphère s’apaise, la voix d’un saxophone s’élève d’un escalier qui ne mène nulle part sur un fond bleu. Nous nous rappelons alors cette sculpture aperçue au loin en rentrant, et lorsqu’on se retourne, on s’aperçoit qu’il s’agit d’une réplique des escaliers présents dans la vidéo. En tournant autour de cette sculpture, nous nous rendons compte de son apparente fragilité : elle est faite de terre sèche, rappel direct de la boue dans laquelle on traînait des corps plus tôt Nous nous apercevons aussi que le triangle n’est qu’une illusion d’optique, il s’agit d’un escalier de Penrose qui dévoile 2 escaliers joints à leur base par une plateforme horizontale. Et si sous un certain angle les sommets semblent se rejoindre parfaitement, en réalité ils ne pourraient pas être plus éloignés l’un de l’autre. Le titre de l’œuvre PIE root “to see” semble être une référence aux origines de la linguistique et on s’interroge : en quoi le langage, comme la perspective serait une histoire de focale, de point de vue qui situe les mots et les êtres à une place arbitraire ?
The show is over, le titre de la vidéo annonce pourtant l’inverse : ce n’est que le début du spectacle.
Nous nous dirigeons vers le deuxième étage à travers les escaliers de service baignés dans une lumière ambrée, guidés par la rumeur d’une voix qui nous appelle.