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Que nous communiquent les plantes ? L'herboriste Julia Graves propose ici un parcours de l'exposition Surface Horizon centré sur l'observation minutieuse des plantes qui la composent.

Elle nous invite à déchiffrer leur langage, à reconnaître leurs vertus médicinales et ce qu'elles peuvent nous apprendre sur l'environnement dans lequel nous vivons.
 
 
Durant cette déambulation, Julia Graves s'arrête devant certaines des œuvres de l'exposition pour écouter ce que les plantes ont à livrer. Sa lecture des différents chapitres de l'exposition s'appuie sur ses recherches sur le langage des plantes, tel qu'elle le décrit dans son ouvrage The Language of Plants. A Guide to the Doctrine of Signatures.

Julia Graves est spécialiste des élixirs floraux, créatrice, herboriste, psychothérapeute et homéopathe.

Elle a été élevée en Allemagne par une mère herboriste et un père chirurgien orthopédique. Adolescente, Julia a étudié l'herboristerie, la médecine traditionnelle européenne, le massage anthroposophique ainsi que la ventouse. Elle a ensuite étudié la médecine à l'université de Kiel pendant quatre ans. Elle a rédigé sa thèse de doctorat sur ses recherches ethnomédicales de terrain sur les sages-femmes et les guérisseurs traditionnels dans une région reculée du Zimbabwe. Par la suite, Julia a suivi une formation de psychothérapeute Gestalt. En tant que conseillère en essences de fleurs depuis 25 ans, elle s'est concentrée sur le travail avec les enfants, les femmes et les familles, ainsi que sur l'utilisation des essences de fleurs dans le travail corporel énergétique.

En 2010, elle fonde la Naturopathic Earth Quake Survivor Relief Clinic en réponse au tremblement de terre dévastateur en Haïti, et a dirigé la clinique dans ses missions qui a depuis offert un traitement gratuit à plus de 70 000 personnes.

Julia est l'autrice de The Language of Plants, un guide détaillé de la doctrine des signatures, devenu un classique instantané depuis sa publication en 2012, ainsi que de The Lily Circle - Practical Guide and Repertory et Healing Animals.

Transcription

On arrive ici à la première installation de l'exposition. En tant qu'herboriste, j'adore parce que ça me parle de la terre abandonnée et je retrouve toutes les plantes que d'ailleurs j'ai trouvées ici, dans les rues de Paris, dans tous les coins du trottoir délaissés. Ça me parle du grand pouvoir de la nature à se réinstaller, à reprendre le terrain et la terre. 

Je sais que la plupart des gens qui arrivent ici, ne vont même pas voir cette œuvre, parce que pour eux, ce sont des plantes que l'on ignore. Mais pour moi, ce sont des plantes qui nous apportent de grands cadeaux. Par exemple ici, c'est le chardon et c'est une plante qui adore être soi-disant maltraitée. C'est une plante avec un pouvoir immense, pourvue d'une racine qui descend dans la terre très profondément. 

Alors si elle se fait manger ou se fait couper, ça ne la gêne pas. Elle va remonter et refaire ses fleurs ici. Et c'est aussi une plante guerrière qui est extrêmement bien défendue. Elle a des épines partout, et elle nous dit : « tu t'approches, je te pique, je te perce ». Et de même ici, avec ses fleurs. Ça pique tellement que les animaux ne vont pas la manger. Alors on voit ici le trésor du futur, les graines qu'elle va envoyer dans le futur pour se propager. J'adore ces plantes là qu'on ne peut pas éradiquer facilement, qu'on ne peut pas détruire facilement.

Quand je me détourne de ce parterre, je vois ce mur complètement envahi de jasmin et de passiflore. Et c'est ça, le chapitre des plantes qui ont le pouvoir de reprendre le terrain, de le coloniser. Et ici, on voit comme une espèce de vague verte qui reprend le mur. Et en fait, ce sont des plantes qui ont le pouvoir de grimper, d'étouffer et d'écraser quelque chose pour reprendre leur place sur la planète. 

Et moi, j'aime beaucoup qu’ici à la galerie, c'est en fait le passiflore qui pousse ici. C'est une plante sédative que tout le monde devrait prendre en tisane à ce point là pour décélérer, parce que les Parisien·ne·s vont en fait trop trop vite, sont trop agité·e·s pour même s'apercevoir de la subtilité des plantes et de l'exposition et du message de cette exposition… De la voix des plantes et de la nature. Alors, tout le monde respirez, expirez, pour entrer dans les salles. 

Ici, on retrouve le prochain chapitre sur les plantes observatrices, c’est-à-dire des plantes qui ont des vertus pour les yeux. Le chapitre s'appelle Les larmes. Ceci est un bleuet et le bleuet, c'est une plante, une fleur très, très fragile pour les yeux bleus qui sont fragiles. Voici la signature : on dirait que c'est l'iris bleu d’yeux très fragiles. Elle était distillée historiquement, ici en France, pour laver les yeux fragiles avec. Alors pour moi, il y a ce lien avec le regard et les yeux fragiles bleu de la première sculpture qui s'appelle The Murmur. Avec ces figures qui sont en quelque sorte étonnées et perturbées, qui regardent au loin. Et en fait, c'est ça le nom de cette exposition Surface Horizon, qui regarde au loin la nature : Qu'est ce que je peux découvrir là ? Cette plante, le bleuet, serait une des plantes guérisseuses pour ces figures dans cette sculpture, pour les guérir, pour laver les larmes invisibles de leurs yeux. 

Cette partie de l'exposition s'appelle Lévitation et c'est une œuvre extraordinaire. En fait, c'est la première sculpture que j'ai jamais vue dans ma vie, sculpture, expression artistique qui est faite à partir des plantes. Et c'est une vraie mer et un paysage à la fois, au même moment, magnifique et choquant pour moi, qui travaille avec les plantes. C'est vraiment choquant de voir cette espèce de mélange de plantes ensemble, on ne les trouverait jamais ensemble en vérité, dans la nature. Par exemple, cette vague d'orchidées est issue d'une serre et elles ne se trouveraient jamais ainsi par terre envahie par le lierre. Alors ça me procure un malaise et ça me travaille et je me demande : « mais qu'est ce qu'on a fait avec les plantes ? » Il y en a des très sauvages ici, vraiment, qui sont issues vraiment de la nature directement et des trucs complètement fabriqués par les hommes. On voit même toujours les tuteurs ici pour les mettre dans cette position. Mais pour moi, la « lévitation », c'est qu'elles vont s'enfuir. Elles vont fuir la terre. L'orchidée, normalement tombe en cascade du haut des arbres. Et là, je crois, on voit ça là-bas, où les orchidées commencent à monter et s'enfuir vers le haut. 

Et ici, dans cet immense désordre et chaos créé par les hommes avec les plantes et la nature, on trouve aussi plein de plantes médicinales liées aux infections, comme par exemple l'échinacée. C'est une des plantes la plus valable pour augmenter l'immunité et je me suis toujours demandée pourquoi on n'en parlait pas maintenant, pendant la pandémie. En fait la pandémie de [la] Covid a permis à cet espace d'être rempli avec ces images et ces œuvres. Et en fait, c'est aussi une question très importante, tant pour les plantes, parce qu'on n'a pas, en ce moment, que des épidémies humaines, mais aussi des épidémies qui touchent des animaux et aussi des plantes. Elles aussi sont malades. 

Ici en bas, il y a une camomille. Et la camomille, elle est très forte aussi pour combattre les infections. Elle est très, très spécifique, traditionnellement utilisée contre les abcès et quand Marguerite, la sculptrice, parlait de cette œuvre comme le magma qui fait de grandes bulles, ça me rappelle des abcès qui, eux aussi, vont surgir de la peau et faire une espèce d’éruption. Alors pour moi, il y a vraiment un lien extraordinaire avec cette sculpture végétale. 

Ici, on a la pulmonaire qui, elle, est la signature des poumons. Et elle est appelée pulmonaire parce que c'est l'une des plantes médicinales les plus précieuses. Et si on utilise la pulmonaire, plante traditionnelle pour les poumons, c'est pour redonner de l’humidité aux poumons. Et c'est justement ça que les victimes [de la] Covid ont subi, les poumons sont trop secs. Mais la nature nous a donné un remède contre ça. Et ça, c'est la pulmonaire qui se trouve toujours en bas, dans les endroits bien humides. Et voilà les tâches ici : la plupart des gens ne vont pas savoir, mais en fait, nos poumons, si on les coupe du corps, si on ouvre le corps, sont tachés comme ça, surtout ici à Paris, à cause de la pollution. 

Dans cette sculpture végétale à l'extrême, il y a aussi la molène, les plantes jaunes, les fleurs. C'est une plante extraordinaire pour les poumons, sûrement les poumons qui ont subi la pollution urbaine des particules fines. En fait, c'est une des plantes qui va pousser juste à côté du périphérique ici, dans les fissures du béton même, dans un endroit où c'est extrêmement pollué. Et elle va aider les poumons à se défendre contre les particules fines. Et pour moi, cette sculpture est vraiment une illustration de la confusion complète parce que la molène est à côté des orchidées malgré la façon dans laquelle on les fait pousser dans les verrières, avec des produits chimiques ce qui, en fait, détruit la nature. Alors, on a la plante qui nous aide à survivre à la pollution et la plante qui pollue - ou plutôt - la façon dont on les produit pollue. 

Ici, à l'entrée principale, nous regarde en face une sculpture très émouvante qui a un regard à la fois confus, perdu et perturbé. Et pour moi, je suis désolée de dire qu'elle me rappelle le regard que je retrouve dans les enfants d'aujourd'hui, dans la nouvelle génération, qui n'a plus de lien avec la nature. Ça, pour moi, c'est l'innocence des enfants qui regardent autour et qui disent : « Mais c'est quoi ici ? Je me trouve dans quel monde ? » Et il y a 100 ans, tous les enfants connaissaient disons, une centaine, deux cents plantes et c'est comme ça qu'on est nés. C'est comme si on était un ordinateur et notre cerveau, un ordinateur. C'est comme si le programme était fait pour reconnaître les plantes. 

Et tout le monde s'y connaissait et savait cueillir de quoi manger, pour se remplir son estomac vide, pour apprendre à se guérir. Si on nous prend ça, en tant qu'êtres humains, en fait, on nous vole notre héritage naturel. Et pour moi, la conséquence naturelle, c'est que voilà un regard confus, perturbé, désorienté. 

Ici, la salle avec les plongeuses me rappelle le fait que nous, on doit tout notre oxygène aux plantes. Sans les plantes, on serait mort en quelques jours. Et nous, on est comme les plongeuses, notre oxygène fini, il faut qu'on remonte en vitesse, sinon on va mourir. Et aussi, les plongeuses ont une très grande angoisse parce qu'on a déjà pollué la mer. On ne peut plus manger ce qui est dedans et on ne trouve plus ce qu'il y avait avant dedans. Et cette main de la plongeuse me parle de ça, de l'angoisse de ne plus trouver de quoi manger dans la mer et qu'elle sait que bientôt, elle n'aura plus d'oxygène et qu'il faudra repartir à la surface en vitesse. 

Nous voici dans la serre. Moi, j'adore cette partie de l'exposition parce que je suis là, dans la serre, dans l'effet de serre, dans la désertification qu'on a créée. Et au niveau de mes yeux, je regarde les fissures, l'argile qui se craquelle et les plantes qui luttent, la sécheresse et la lumière qui est trop forte. Cette partie de l'exposition s'appelle les Oracles du désert. « L'Oracle du désert » dit : « nous les plantes, on a mal, on est en douleur, mais on peut être guéri. Pourquoi ? Parce qu'on est tous un, unis ». Ce que ça veut dire, c'est que si moi je brûle ma main dans le feu, je vais faire tout, tout de suite pour la guérir au mieux. Alors pourquoi on ne fait pas la même chose pour la Terre ? Si on la détruit, si on la pollue, pourquoi on n'agit pas immédiatement ? C'est ça, « l'Oracle du désert », ce que ça me dit. 

« Les Oracles du désert », c'est aussi les plantes qui nous annoncent la désertification. Il y a le chénopode blanc, qui est très, très souvent dans nos champs et les envahit. Pourquoi ? Parce qu'il y a trop de nitrates pour que les autres plantes puissent pousser. Il y a la molène qui nous annonce qu'elle est la seule qui sait survivre à la pollution aérienne. Il y a aussi là déjà desséchée, la bourse à pasteur qui, elle, va arrêter les saignements. Alors elle nous serait bien utile une fois qu'on est blessé·e par cette destruction qu'on a créée. Et après, il y a aussi ici la pivoine : c'est l'opium et c'est ça qui va soulager la douleur. Alors, une fois blessé, on peut se soulager avec cette plante. Et la pivoine, elle s'est répandue très, très vite dans la grande destruction, comme la petite pivoine, le coquelicot, qui s'est répandu dans la grande destruction de la guerre, la Première Guerre mondiale dans les champs détruits par les bombes. Et il y a aussi le plantain qui, lui, indique un sol trop tassé. C'est une des rares plantes qui peut vraiment grandir dans un sol trop tassé par les poids lourds. Alors voilà, c'est ça les plantes, les «Oracles du désert », de la destruction qu'on a causée à la terre. 

Ici, on est dans le chapitre de l'exposition qui s'appelle « La Réanimation ». Il y a des stèles avec des plantes imaginaires qui n'existent pas et n'existeront jamais. Et pour moi, en tant qu’herboriste, ça me met vraiment mal à l'aise de voir ces plantes parce qu'il y a quelque chose en moi qui me dit qu'elles n'existeront jamais comme ça. 

Je vois bien que la forme me rappelle celle d'une prêle, bien que ce soit une prêle ici imaginaire. Mais la prêle contient de la silice naturelle qu'on retrouve dans les os, dans les cheveux. Et là, ça a très bien la forme des cheveux. Elle nous fortifie et elle fortifie aussi notre colonne vertébrale, elle donne de l'élasticité aux joints, aux articulations et c'est une plante qui est tellement résistante qui peut donner de la résilience aux tissus et aux corps qu'autrefois, elle était utilisée en tant qu’éponge grattante. Alors on l’utilisait ainsi, pour bien polir l'étain. Le nom en allemand, « Zinnkraut », veut dire herbe d'étain. Alors projeté dans un grand futur, oui, ce serait une plante qui pourrait être notre guide et notre professeur dans le sujet de la résilience. Comment peut-on faire pour survivre, pour se défendre ? 

Et ici il y a une autre stèle et une sculpture inspirée d'une orchidée qui fait dans sa fleur des pétales très longs, comme des drapeaux comme ça. Et fait elle ça en fait pour imiter la forme de l'insecte qui va venir la fertiliser. Alors, il y a un jeu énorme entre la fleur et l'insecte : c'est presque comme si la fleur essayait de draguer l'insecte pour la fertilisation. Et le nom de cette plante, dans d'autres langues, en fait, veut dire langue de serpent. Parce qu'on dirait que c'est la langue d'un serpent qui sort et c'est très intéressant pour moi de voir que l'autre sculpteur, ça, c'est de Marguerite, ça, c'est de Jean-Marie, a vu la murène dedans. C'est un animal comme un serpent. Alors, pour moi, c'est la fertilisation, la possibilité créatrice dans l'univers qui, on espère dans le futur, va donner naissance à d'autres vies qu'on ne peut pas encore imaginer. 

Ici, on est au avant-dernier chapitre qui symbolise le soleil, avec cette sculpture magnifique qui est faite d'un matériau qui absorbe le soleil au maximum. Pour moi, c'est vraiment le lieu de paix, l'ascension, la transmutation de toutes les émotions qui ont été évoquées par cette exposition en moi et je voudrais bien transmettre dans le film ce qu'on sent ici : ça sent la camomille, ça sent l'argile qui est frais, ça sent la terre, ça sent les herbes qui symbolisent le soleil. Et c'est dans l'endroit du musée le plus ensoleillé. 

Alors ici, on peut résoudre en soi tous les conflits qu’a évoqué l'exposition. Par exemple, ici, il y a la camomille, plante solaire : déjà là, on voit la signature, le petit soleil. Elle est très bien connue pour chasser les nuages de l'âme, la dépression, les tempéraments difficiles, les tensions émotionnelles. Elle ramène le soleil de l'âme. 

Et ici, il y a d'autres plantes, comme celle-là, de la famille du tournesol. Ça symbolise pour moi en tant qu'herboriste, toutes les plantes qui se tournent vers le soleil. Comme aussi cette sculpture qui est vraiment à l'intérieur une petite salle de méditation où on peut retrouver sa paix. Et derrière, ce qui est formidable, c'est cette sculpture du plan horizontal de la Terre. Et pour moi, ça symbolise comment s'est faite l'évolution. Car ce bas-relief est fait avec de l'argile frais. Et on voit ici comme le sculpteur a créé des structures dessus en utilisant des moules, l'extérieur des moules et j'aime beaucoup ça parce qu'en fait, l'argile, c'est quoi ? C'est les coquillages des moules qui au fil du temps ont créé cet argile. Et pour moi, ça parle vraiment de comment l'évolution de toute notre planète est issue de la mer. Et au-dessus, il y a le soleil qui se lève.

C'est un lieu très, très paisible, c'est là que j'arrive à résoudre toutes les questions qu'a fait monter en moi l'exposition et pour moi, c'est là où nous, il faut qu'on se demande : « J'ai été alerté par la réalité de la nature par l'exposition. Me voilà ici en paix, en méditation. Après, qu'est ce que je décide d'ici ? Qu'est ce que je vais prendre d'ici ? Qu'est ce que j'ai appris pour le futur. Pour notre terre ? »