Exposition

Stéphanie Brossard | Exposition Coming Soon

L’œuvre Intempéries retranscrit en temps réel l’activité cyclonique dans les zones tropicales. Elle est composée d’une baignoire, habillée de carreaux ramassés sur une plage de La Réunion, qui se remplit de manière autonome à l’approche d’un cyclone et se vide lorsqu’il s’éteint. Un écran indique le nom du phénomène, sa puissance et ses prévisions pour les heures à venir. Le point de départ de ce travail est un souvenir de l’artiste : celui de sa mère remplissant la baignoire en prévision d’une pénurie d’eau à l’approche d’un cyclone. Ce geste a toujours été doté d’une charge poétique pour l’artiste, le calme de l’eau contrastant avec le climat d’urgence du monde extérieur. Prenant l’allure d’un signal d’alarme, ce réservoir implique également un rituel de prévoyance.

Stéphanie Brossard explore à travers ses œuvres, les pulsions du monde. En imaginant le chaos comme un élan positif, d’où de nouvelles possibilités émergent, l’artiste expose des situations mêlant perturbations naturelles et surnaturelles.

Son travail est exposé au Frac Réunion (2020), à La Collection Lambert en Avignon (2021/2022), Londres dans la galerie No.9 Cork Street - Frieze (2023) et à Lafayette Anticipations (2024) dans l'exposition collective Coming Soon.

Elle participe également à des expositions collectives importantes: House of digital art; Port Louis (2023), Frac Île de France (2023), Biennale de Lagos (2024).

En 2016, elle est lauréate du Prix Yvon Lambert pour la jeune création, finaliste du concours Talents Contemporains de la Fondation Schneider en 2019 et lauréate du programme Mondes Nouveaux avec le collectif Pays Tremblés en 2021.

Transcription

Bonjour, je m'appelle Stéphanie Brossard. Je suis originaire de la Réunion. J'ai grandi là bas et je suis arrivée sur le continent pour mes études supérieures et depuis je suis installée entre le continent et l'île. 

J'ai différents médiums. On va dire qu'on va le plus souvent retrouver, c'est de l'installation, de la photo et de la vidéo. Ce qui m'anime le plus souvent, c'est les aléas naturels. On va avoir les cyclones, les éruptions, les séismes, tous ces phénomènes naturels qui font les mouvements du monde. C'est ce qui va me mettre très souvent au travail. En fait, ces phénomènes, je vais les utiliser pour essayer de comprendre au mieux mon environnement. Pour moi, ce sont des clés de lecture pour comprendre mon passé, mon présent et mon futur. 

Cette pièce s’appelle Intempéries. J'aime bien qu'on parle des matériaux qui la composent, justement parce que souvent, quand on demande le cartel de cette œuvre, je mets connexion internet. Cette œuvre fait partie d’une série d'œuvres qui utilisent les data pour, comprendre ce qui nous entoure, avec en plus un logiciel qui est écrit par un ingénieur avec qui je travaille. En fait, c'est un programme qui sert à sonder l'activité cyclonique du monde entier. Si on a une donnée qui apparaît, donc un système qui naît, le programme va nous afficher ce système là et l'œuvre va se mettre en route. 

Cette baignoire, cette sculpture, est assez importante. Enfin, l'objet est assez important pour moi parce qu'au départ, il me fallait un contenant. C'était cette baignoire. Il me fallait un récit autour de cet objet. Lors d'une balade à la plage avec ma mère et ma sœur, en marchant, je voyais dans le sable plein de carreaux, du carrelage et j’ai commencé à en prendre un, deux et trois. Je me dis c'est ce qui va composer ma baignoire. C'est à mon avis des choses qui viennent des eaux de l'île, dans des chantiers, etc. Malheureusement, tout est jeté à la ravine, les pluies les amènent à la mer. Il y a une espèce de cycle qui est là. Moi j'ai juste récupéré ces bouts de carreaux qui sont travaillés par le temps, par les phénomènes naturels et et les éléments, et je les réintègre dans une dans une forme qui est un peu, presque de l'ordre de la mosaïque, du puzzle. 

Pour Intempéries, je lisais un livre qui s'appelle Bois sauvage (dans la version française) de Jesmyn Ward. C'est l'histoire d'une petite fille qui vit dans une famille d'hommes parce que sa mère est morte, et on va suivre leur préparation pour Katrina. Le père voit ces signes qui se trouvent dans la nature. Il regarde le ciel, il sent l'humidité, il sent les oiseaux… Pleins de signes : il va préparer sa famille à l'arrivée de ce cyclone. La petite fille dit “Je me souviens de maman qui remplissait cette baignoire à l'arrivée des cyclones” et là je me dis “waouh !” Moi j'ai toujours cru que c'était quelque chose de très personnel. Enfin, c'est idiot dit comme ça, mais je m'étais jamais vraiment posée la question. Je voyais ma mère le faire et je me disais simplement  : c'est le geste de maman. 

Cette série d'œuvres, c'est en quelque sorte des signaux d'alerte. C'est une nouvelle façon d'alerter le public sur comment notre monde bouge, à quelle fréquence il bouge. Les cyclones, on est vraiment dans un autre rythme, on est moins dans le spectaculaire. Il y en aura forcément pendant la saison d'exposition par exemple. Mais on ne peut pas se dire qu'il y en aura trois, quatre ou cinq pendant la saison. Je ne sais absolument pas. Je crois que l'œuvre porte aussi sur ça, sur cette question de l'imprévisible. Je crois que si je m'intéresse aussi à ces phénomènes, s'il y a un endroit où j'accepte de perdre le contrôle, c'est là, face à ces phénomènes. Ils sont plus forts que moi. J'ai un rapport au surnaturel qui est très, très, très présent et qui est très important dans mon travail. Cette série d'œuvres, je crois qu'elle parle de ça aussi. Elle utilise tout bêtement le vocabulaire du cinéma d'horreur. Des robinets qui s'ouvrent tout seuls, des tables qui tremblent. On est là dedans. En fait, moi, je crée les programmes, je crée le protocole, on lance l'œuvre. Mais une fois qu'elle sera lancée, on n'aura aucune maîtrise de l'œuvre.