Benoît Piéron | Exposition Coming Soon
Benoît Piéron travaille à la création de moments, d'installations et d'objets explorant la sensualité des plantes, les limites du corps humain et la nature temporelle des salles d'attente. Son parcours créatif englobe diverses pratiques, dont le patchwork, le jardinage existentiel et la création de papiers peints.
Atteint d'une maladie de longue durée, Benoît Piéron entretient une relation très étroite avec l'écosystème hospitalier. Il a développé une pratique s'inspire de cet environnement et cherche à donner une plasticité à la maladie. Loin de l'héroïsme romantique des métaphores habituelles de la maladie, Piéron se place dans une joyeuse zone grise. À travers son art, il s'efforce d'explorer ces territoires inexplorés, les considérant non pas comme un fardeau mais comme une source potentielle d'expression créative.
Expositions sélectionnées : Coming Soon, Lafayette Anticipations, Paris (2024); Slumber Party, Chisenhale Gallery, London (2023); Der pinkelnde Tod, Kunstverein Bielefeld, Bielefeld (2023); Avant l’Orage, Bourse du Commerce, Pinault Collection, Paris (2023); uMoya: The Sacred Return of Lost Things, Liverpool Biennial, Liverpool (2023); Exposé.es, Palais de Tokyo, Paris (2023); Horizones, Fondation Pernod Ricard, Paris (2022); Bandage, galerie du Haïdouc à l’Antre Peaux, Bourges (2022); Illness Shower, Sultana Summer Set, Galerie Sultana, Arles (2022); Deux drapeaux, Une Belladone, L’alcôve, Paris (2021); VIH/sida, l’épidémie n’est pas finie, Mucem, Marseille (2021); Plaid, Cité internationale des Arts, Paris (2021); Mort is more, Brasserie Atlas, Brussels (2021).
Transcription
Bonjour je m’appelle Benoît Piéron, je suis artiste. Je fais majoritairement du patchwork, des peluches, je fais un petit peu de jardinage avec des plantes létales, mais surtout je parle depuis un endroit qui est un peu inaccessible mais finalement que je partage avec tout le monde, c’est une intimité collective, et il s’agit de mon corps. Mon corps a la spécificité d’être un corps qui est invalidé. Et finalement, dans cet appartement, c’est un peu un appartement en colocation que je partage avec une compagnie, c’est une maladie de compagnie. C’est un terme que j’emprunte à Claire Marin, et finalement il s’agit de travailler avec et de, un peu dans le velour de l’empire de la maladie de vouloir réussir, à donner une forme, une plasticité alternative aux maladies.
Laundrette est une installation immersive. On rentre à l’intérieur d’une laverie, chaque élément est pensé, c’est-à-dire au niveau de la température de la lumière, du lino, de la couleur sur les murs. Il y a trois machines à laver et des bancs pour aussi pouvoir expérimenter ce temps qui est distendu. À l’intérieur des machines à laver, qui sont transformées en machines à lumières, il y a des gyrophares, le hublot a été modifié avec un verre qui a des propriétés de diffractions et il y a des éléments à l’intérieur qui jouent sur ces effets de diffraction kaléidoscopique, un petit peu comme tous les jouets optiques. Il y a cette idée que tout d’un coup quelque chose de très banal permet d’accéder à une expérience visuelle de l’espace. La spécificité aussi de cette laverie c’est qu’il ne s’agit pas d’une laverie avec un temps qui est programmé. Le programme, justement, a été déprogrammé par cette impermanence qui est la maladie. On ne peut pas prévoir de choses quand on est malade.
Laundrette c’est une laverie, donc c’est un espace où les gens viennent laver leur linge, c’est un espace qui est très particulier parce que j'utilise dans mes pièces depuis quelques années des draps réformés des hôpitaux donc ce sont des draps qui portent encore les traces des précédents usagers. À l’hôpital, quand il reste ce que les soignants et soignantes disent des “tâches propres”, c’est-à-dire des tâches qui ne se lavent pas,, le tissu est réformé. À ce moment-là, dans le circuit de valorisation des déchets, ils sont envoyés à une blanchisserie, qui les découpe, qui les hache littéralement, qui les revend chez Leroy Merlin pour faire des chiffons pour laver la voiture ou pour la peinture. Moi, c’est à ce niveau là que je les récupère, et je crée un patchwork, c’est-à-dire quelque chose de collectif et qui porte encore les traces de tous ces précédents usagers.
La laverie, c’est le seul endroit où tout d’un coup on va sortir ses sous-vêtements sans aucune honte et les montrer dans une sorte de théâtre qui est très particulier, il n'y a aucune honte. Et tous ces phylactères de nous même, toutes ces peaux, qu’on sort des machines à laver, qu’on étend, qu’on plie au regard des autres, je trouvais ça très très beau. Ces laveries sont des lieux d’exposition d’une intimité qui est collective mais c’est aussi des lieux avec une dimension sociale, tout le monde ne va pas à la laverie, c’est aussi lié à une précarité dans certains cas. Ce qui m’intéressait à l’intérieur de ces machines à laver c’était de les habiter par la lumière. Alors la lumière c’est quelque chose qui m’intéresse parce que c’est un enjeu en fait, l’ombre et la lumière, par rapport à l’intimité aussi. Les gyrophares c’est cette lumière du pouvoir, cette lumière d'urgence, cette lumière qui est violente, qui est aussi la lumière de la police, qui est aussi la lumière du pouvoir médical qui voit à l’intérieur du corps, et en même temps, tout mon travail c’est de prendre cette lumière et d’en faire quelque chose qui soit doux, de l'adoucir, et d’en faire quelque chose qui puisse même être reposante.